NE SERAIT-IL PAS TEMPS DE FAIRE SIMPLE ?


C’est incroyable la révolution que le Retail a connu ces dernières années.  Et la période de confinement que nous venons de vivre ne va pas ralentir les choses car pendant cette période, les consommateurs ont pris trois ans d’avance sur les distributeurs. On n’a donc pas fini de voir germer toujours plus d’initiatives, toujours plus de concepts, toujours plus de cas de figure de consommation, toujours plus d’acteurs.

Rappelez-vous, il y a 10 ans, nous en étions à évoquer la tentation de certains distributeurs de brouiller le wifi sur les lieux de vente pour éviter le showrooming. Puis il y a eu l’apparition de ces bornes censées nous connecter au web depuis le magasin. A l’ouverture du centre commercial Qwartz de Villeneuve la Garenne (2014), c’était même l’attraction.  Avec le recul, quelle naïveté… !

Et puis, à une approche par canaux, s’est progressivement substituée l’ère du phygital puis de l’omnicanal. Et désormais, parler même de canaux est presque devenu désuet tant s’impose la logique de scénarios d’achat.

Les courses contre le temps

La révolution retail a également trouvé un formidable terrain d’accélération dans la livraison. Là aussi, tout s’est précipité au détriment d’une certaine rationalité. De la livraison payante en 48h, nous sommes passés à 24h puis au lendemain pour toute commande avant une heure limite, puis à 1h30mn, puis à 1h et maintenant 10 mn avec un record relevé par Olivier Dauvers à 8mn… 

Entre les spécialistes du e-commerce avec livraison rapide (PICNIC, LA BELLE VIE, MON MARCHE.FR sur les produits frais concurrencé par EN DIRECT DE RUNGISCAGETTE&PAPRIKA sur les produits locaux et artisanaux), la livraison collaborative avec des livreurs auto entrepreneurs (COURSEUR, SHOPOPOP, YPER…), la livraison ultra rapide à domicile (GORILLAS, CAJOO, KOL, EVERLI, FLINK, GETIR, sans oublier UBER EAT, DELIVEROO), c’est à se demander qui va survivre alors que les modèles économiques sont loin d’avoir trouvé leur équilibre… D’autant plus qu’après l’ultra rapide, l’enjeu de la ponctualité et d’une programmation de la livraison sur un créneau toujours plus exact, risque de devenir le sujet de demain.

Un peu plus pres des clients

Encore un peu d’accélération ? Passons donc aux formats qui, avec l’impact de la pandémie sur la proximité, ont connu et connaissent de nouveaux développements. On avait commencé avec les drives et les lockers. Et voilà le drive piéton qui, maintenant, se mue progressivement en petite superette pour pousser des offres additionnelles (Auchan). 

Carrefour s’allie à La Poste avec son concept Pick up Drive pour un nouveau modèle serviciel. De nouveaux concepts hybrides naissent faisant des boucheries ou des boulangeries des nouveaux points relais (boulangépicerie Edeka en Allemagne permet de réserver son sandwich pour le récupérer à l’arrivée de son train). Sans parler bien sûr de tous ces magasins automatiques, semi automatiques à la sauce Amazon ou sous la forme de boxs qui peuvent pousser n’importe où.

Et dans cette accélération du retail, on pourrait aussi parler des horaires d’ouverture qui s’allongent, des logiques industrielles qui s’opposent : gros entrepôts à la périphérie des villes ou mini hub logistique en ville, micro-fullfilment, dark store ou store-picking… Sans oublier les nouveaux acteurs qui s’annoncent (MERE…).

Bref, ça va dans tous les sens et les intégrés comme le Groupe Casino ou Auchan… sont souvent les plus enclins à sortir de nouvelles solutions. Tout va vite, très très vite, peut-être trop vite ? Une expérience en chasse une autre. Une nouvelle idée arrive alors que la précédente n’est même pas installée à plus de 10 unités. Mais pour quel résultat ? Si on additionne toutes les ouvertures déclarées, tous les nouveaux acteurs annoncés, tous les nouveaux formats essayés, on va vite arriver à une forme d’overdose. Et qui paye à l’arrivée ? Le consommateur qui retrouve une part de cette agitation dans son ticket de caisse ? Les actionnaires qui voient dans cette course à l’innovation, la recherche nécessaire de nouveaux effets de levier pour leurs capitaux ? 

Et au bout du compte, qui arrive à suivre ? Qui y comprend quelque chose ?

C’est à se demander si cette situation ne sert pas avantageusement les acteurs du Discount comme ALDI, LIDL (bien que ce dernier change un peu de catégorie) mais aussi STOCKOMANI, CENTRAKOR, NORMAL, GNOZ, KLO… Leur modèle est simple à décoder pour le consommateur. Leur proposition est sans ambiguïté et dépolluée de tout artifice… Et leur façon de faire du commerce est un savoir-faire qui a fait la démonstration de sa rentabilité. 

Une simplicité qui pourrait s’avérer un atout quand tout devient trop compliqué.