LA CRISE VA-T-ELLE REBATTRE LES CARTES DANS LA GSA ?


Vous avez remarqué, les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Les crises se suivent et les distributeurs traditionnels ont recours aux mêmes recettes pour donner le sentiment aux consommateurs qu’en venant chez eux, ils en subiront peu les effets.

En 2010 déjà, pour faire face aux conséquences de la crise financière et à son impact sur nos portes monnaies, l’arme de la TVA offerte et celle du carburant à prix coûtant étaient de sortie.

A la même époque, les pubs comparatives battaient déjà leur plein montrant au passage leurs difficultés à faire évoluer significativement la hiérarchie sur l’item de l’image prix.

Puis ce fut le début d’une surenchère sur le prix des FLEGs, suivie de près par la prise de pouvoir des alchimistes de la promo qui ont redoublé d’inventivité pour donner le sentiment d’une générosité à nul autre pareil. Là aussi beaucoup d’efforts pour peu de résultats structurants.

Les anniversaires se sont multipliés. Les temps forts propriétaires, jusqu’alors de grandes fêtes commerçantes, se sont de plus en plus teintés de pourcentages pour devenir des mécaniques promotionnelles sans âme sur des 4×3 sans promesse d’expérience. De nouvelles « solutions moins chères » ont fait leur apparition pour rassurer le consommateur sur le fait qu’il allait pouvoir continuer à consommer toujours plus. Même le mot « discount » a trouvé une nouvelle place chez certains distributeurs.

Mais toutes ces réponses, aussi empathiques soient-elles, se sont vite retrouvées confrontées à une réalité : moins de pouvoir d’achat ça oblige à moins dépenser. 

C’est LIDL qui semble alors avoir le premier cerné le problème en 2012. « Le vrai prix des bonnes choses » ça ne voulait pas dire « prix sacrifié » ou premier prix. Ça promettait de la qualité à prix juste. À un moment où la communication « prix » de ses concurrents ne visait que des objectifs de pouvoir d’achat, LIDL a compris avant tout le monde que les consommateurs cherchaient moins à consommer toujours plus, mais à consommer mieux. 

Et ce n’est qu’à partir de 2016 qu’Intermarché avec son « Amour Amour », Carrefour (Act for Food) et consort ont fait la part belle au moins mais mieux.

BIS REPETITA ?

Pourquoi reparler de tout ça ? Parce que la crise que nous vivons aujourd’hui ressemble par bien des égards à celle que nous avons vécu il y a 10 ans. Certes, elle est provoquée cette fois-ci par une augmentation du prix des matières premières, du coût de l’énergie et de la part de nos achats contraints. Mais comme en 2010, on peut imaginer que ces hausses ne trouveront pas une vraie compensation dans des éclatés jaune ou rouge au milieu desquels trônent de magnifiques remises. Nous sommes sans doute face à une nouvelle équation qui va nous obliger à revoir significativement nos priorités de consommation. 

Il y a ainsi fort à parier que nous allons devoir faire de nouveaux choix toujours plus drastiques entre les produits dont nous voulons préserver la qualité et ceux pour lesquels on va laisser filer. Et le mouvement semble s’être déjà pas mal engagé. Le ralentissement récent du BIO pourrait ainsi s’interpréter comme un révélateur de ce phénomène (?) Quant aux 59% de Français qui se disent prêts à payer plus cher un produit fabriqué en France, ils ne sont plus que 24% à accepter de le faire à la condition que ça ne leurs coûte pas plus de 5% supplémentaire (source : Ifop pour le JDD, juin 2021).

PLACE AUX NOUVEAUX DISTRIBUTEURS ?

Il n’est ainsi pas absurde de penser que nous sommes au début d’une nouvelle période de grands changements sur nos façons de consommer comme cela l’a été en 2010. Nous sommes peut-être à l’aube d’une nouvelle ère, celle du consommer essentiel ou le « mieux » sera choisi et financé par le « moins bien ».

La GSA traditionnelle a bien senti le coup venir. Le renouveau des marques premiers prix, la multiplication des discours d’intention et des nouvelles solutions pour consommer au plus juste (le vrac) le prouvent. Mais est ce que cela va lui suffire pour préserver ses parts de marché ?

Rien n’est moins sûr car dans le même temps, les discounters comme ALDI constituent une vraie alternative de plus en plus prégnante. Leur façon de faire du commerce, leur modèle d’achat et de distribution, leurs efforts de qualité sur le développement de leurs MDD, leurs permettent de proposer structurellement au consommateur un « mieux » à des prix qui s’apparentent à un « moins » dans la GSA traditionnelle. Une concurrence qui a poussé MEL à encourager ses collaborateurs et ses étudiants à regarder de près ce qu’il s’y passe. (https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6834854668124856320/)

Car dans le même temps, ces discounters s’éloignent d’une expérience d’achat paupérisante et sont de plus en plus à parité sur des preuves de qualité comme l’origine de la viande, des œufs, du lait, la livraison quotidienne des légumes frais de saison… (cf l’article sur le site Capital datant du 6 septembre 2021 – https://www.capital.fr/entreprises-marches/loffensive-eclair-daldi-pour-bousculer-lidl-1413508)

Et quand on s’interroge sur la réelle capacité des Français à fréquenter massivement les enseignes discounts, il suffit de jeter un œil sur le développement d’ACTION, STOKOMANI, NORMAL, B&M… pour réaliser que les temps changent.

Bref, il n’est pas interdit de penser que nous sommes à un moment charnière qui préfigure une nouvelle redistribution des cartes dans la GSA. Les déclarations d’intention comme les solutions opportunistes ne suffiront sans doute pas à résoudre les tensions sur le pouvoir d’achat. Et comme toujours, quand le consommateur ne peut plus faire semblant, il choisit instinctivement une nouvelle voie qu’on ne lui imaginait pas emprunter jusqu’alors.